J’avoue être surpris d’entendre de plus en plus de la part de débutants (et de moins débutants) que la veille technologique devient un sujet angoissant voire anxiogène pour eux.
Certes c’est un sujet important : se tenir à jour est important voire vital dans nos métiers. Mais de là à en faire un sujet anxiogène, non, pas d’accord. Je vais même vous montrer comment – en ignorant plein de trucs – j’organise ma veille et que cela reste un plaisir.
Mes sources de veille
Mon principal vecteur de veille au quotidien est Twitter. À l’instant où j’écris, je suis 280 comptes, et c’est relativement stable depuis un an ou deux. Je n’ai jamais utilisé les listes ou des systèmes comme TweetDeck, j’utilise juste la version web et l’application iPad (et je n’en ai jamais été malheureux). Je ne suis toujours pas arrivé à comprendre comment font ceux qui suivent plus de 1500 comptes sans devenir dingues.
Parmi ces 280 comptes, il y a :
- des gens reconnus pour leurs compétences ;
- des super techniciens ;
- des gens avec qui j’aime bien discutailler ;
- des gens que j’aime tout simplement bien ;
- et des comptes qui n’ont rien à voir avec la veille technologique, juste pour se détendre l’esprit.
Un point clé : le nombre de followers n’est pas un critère pertinent pour la qualité d’un twittos. Qu’on se le dise ! Je suis quelques perles dont je ne raterai pour rien au monde le moindre tweet, et ils n’ont pas un nombre élevé de followers.
Même si on entend souvent que Twitter n’est pas fait pour discuter, c’est pratique pour appeauter des gens pour avoir rapidement un avis sur un truc.
Les conférences
J’aimerais bien en suivre plus, mais les contraintes de la vie réelle ne me permettent pas toujours de faire tout ce que je veux. :)
C’est un excellent vecteur de rencontres : souvent ces rencontres rebondissent, donnent des idées, font des petits et donnent la patate. L’effet « Paris Web » comme on l’appelle dans les milieux autorisés en est un très bon exemple. Comme c’est un instant ponctuel, l’esprit est là pour cela et pour rien d’autre.
Les articles, newsletters, bouquins et autres blogs
J’ai une grosse trentaine de fils RSS que je suis, pas plus. La syndication a un immense avantage : c’est asynchrone ! Pas besoin de suivre un flux en continu et aucun risque de perdre de l’information. Idem pour les newsletters, je suis particulièrement fan de celle d’Opquast : forte valeur ajoutée et rythme facile à suivre.
Et j’aime bien lire un bon bouquin, je fais d’ailleurs des notes de lecture ici assez régulièrement.
Comment ne pas devenir dingue ?
Choisir ses sources
Je me trouve des sources qui me correspondent, autant côté personnalité que côté niveau. Cela ne sert à rien de suivre un expert qui ne raconte que des trucs hyper-avancés sans les vulgariser si je suis un débutant dans le sujet : je ne vais rien comprendre à ce qu’il va dire. C’est d’ailleurs aussi pour cela que je milite activement pour avoir des articles accessibles, et pas uniquement pour les super-experts avancés.
Un autre critère, plus personnel : je lis très difficilement quelqu’un qui est bon mais abject humainement parlant. Le savoir-être n’est pas une lubie de ma part, mais bien un critère important. Si dans le Web, j’aime bien les bonnes pratiques, dans l’humain, j’aime bien les bonnes manières.
Ne cherchez pas à suivre les héros du Web de quelqu’un sur cette unique raison. Les héros ne sont pas éternels, vos héros ne seront pas les miens et c’est très bien ainsi. Cela évitera en plus à certains de prendre le melon.
Le choix de ce qui est critique ou pas
Là c’est un point critique : priorisez ! Comme je le disait dans le billet de Raphaël : utilisez le principe de réalité. Par exemple, je sais qu’il existe un module CSS3 nommé Grid Layout. J’ai entendu que c’était pas mal. Mais :
- aucun projet ne l’a nécessité actuellement ;
- et son support est très faible.
Du coup, à quoi bon se stresser pour l’apprendre et le maîtriser ? Puisque de toutes manières, ça sera inutilisable en production. La seule chose, c’est de savoir que ça existe.
C’est un travers donné par de nombreuses personnes qui ne peuvent s’empêcher de bloguer sur la dernière nouveauté : ok c’est bien, ça participe à la culture générale, ils sont des précurseurs, tant mieux pour eux… mais pratiquement, je m’en fous un peu, même si ça n’est pas inintéressant.
Par contre, ça ne m’empêche pas parfois de passer en mode « je me sors les pouces » car j’estime que je suis trop à la bourre sur un sujet. Quand la performance a commencé à devenir un sujet très sérieux, je n’ai pas ménagé mes efforts pour rattraper le gros retard que j’estimais avoir (c’était en 2009/2010, j’en ai bouffé de la performance à cette époque pour me remettre à niveau…).
En mode déconnecté
Ne vous privez pas de fonctionner en mode asynchrone. Suivre en continu un flot d’information incessant est fatigant. RSS, les newsletters, etc. sont bien plus cools à suivre. J’use et j’abuse du bouton favori de Twitter, qui devrait s’appeler « à lire plus tard » justement pour ne pas passer trop de temps en mode connecté.
Dites-vous bien que si vraiment un article majeur sort, il y a tellement de gens qui vont en parler que vous ne risquerez vraiment pas de le louper. Et vous connaissez le cycle sur Twitter :
- « Cette techno est si extraordinaire que j’en parle »
- « C’est tellement génial, que vous êtes un minable si vous ne l’utilisez pas déjà »
- « Heu, attendez les gars, y a quelques problèmes là ! »
- « Il faut prendre du recul sur cette techno. » (parfois par le même qui a dit le point 1 et 2 ci-dessus)
Sautez directement à l’étape 4. Ne manquez pas de recul. Voyez les conditions limites d’un choix. Et cela ne vous empêchera pourtant pas d’avoir l’enthousiasme de la découverte de la nouveauté… mais sans frustration.
No stress
Il y a des tonnes de choses dans lesquelles je ne suis pas à l’aise ou même monstrueusement ignorant. Je pourrais en faire la liste (Node-JS, Drupal, Git, etc.), mais je pense qu’elle serait si longue que vous auriez le temps de mourir au moins trois fois en la lisant.
Si vous vous inquiétez de ce que vous ne savez pas, dites-vous bien que personne ne peut tout savoir. Même chez les experts, et surtout chez les experts. Selon moi, la veille doit être tout sauf anxiogène : c’est une hygiène de vie, il faut donc y trouver son plaisir. Un peu comme le régime alimentaire : si vous n’avez aucun plaisir à suivre un régime particulier, vous finirez tôt ou tard par revenir aux mauvaises habitudes…
D’ailleurs, j’ai entendu une remarque assez amusante à Paris Web cette année : « vous parlez de qualité, etc. Mais en fait tout cela se met encore en place ? ». Hé oui, parler de sujets ne veut pas dire qu’on en a fait le tour, les orateurs ne savent pas tout, désolé. C’est évident quand on y réfléchit, mais pas tant que cela. Et dites-vous bien que ces choses sont progressives, tout comme la veille.
L’idée c’est d’avoir une vision cohérente. À quoi bon connaitre toutes les spécifications CSS si je ne connais même pas les bases de l’accessibilité ou de l’HTML ? En tant que développeur de navigateur, ça peut me servir, mais en tant qu’intégrateur/dév. front…
Voila, je crois avoir fait le tour… ah non, j’oubliais un point capital !
Que trouverai-je dans cette grotte ? Ce que tu vas y apporter.
Hé bé oui, la veille, c’est aussi ce que vous (en) faites. Ce que vous produisez. Vos réalisations. Vos projets. Les projets auxquels vous participez. Et ne croyez pas que cela se résume à l’utilisation d’une propriété donnée ou juste à faire des commits (bref, à pondre du code). Ceux qui vous disent ça sont soit des andouilles ou n’ont rien compris. Le code est un moyen, pas une finalité.
Expliquer pourquoi vous avez fait ce choix, le partager, échanger dessus est au moins aussi important, ça montrera qu’il y a un esprit derrière ces mains qui codent (ou ces pieds, mais c’est plus rare). Et surtout en faisant ainsi, vous ferez la veille de quelqu’un d’autre. Vous améliorerez votre vision d’un sujet. Dites-vous bien que si vous vous êtes questionné sur un point, il y aura forcément quelqu’un qui sera dans le même cas que vous. Et cette personne vous dira merci.
Comme Élie Sloïm et moi-même l’avions indiqué à Paris Web : le savoir-faire c’est bien, mais le faire-savoir, c’est pas mal aussi.
Je suis d'accord avec toi sur toute la ligne !