J’écoutais CPU Programme sur les femmes dans la tech, et j’avoue être très circonspect sur le fait que des femmes puissent douter d’avoir leur place dans le domaine. Cela m’a donné envie de partager un retour d’expérience plutôt sympathique.
Il y a quelques mois, j’ai encadré une stagiaire.
Comme tous les stagiaires que j’ai eus à encadrer, j’évalue rapidement leurs connaissances/lacunes et je fais deux choses :
- Je les mets en zone d’inconfort ;
- Et je teste leur curiosité.
En l’occurrence, ladite stagiaire ne connaissait rien à PHP, et je lui ai demandé de faire quelques bricoles basiques. Je me fous de savoir si elle va y arriver ou pas, l’idée est plutôt de voir la réaction face à cet inconfort (si elle va s’entêter, essayer, questionner, etc.). Cela, c’est le premier test.
Après, si par exemple on voit les positionnements CSS, je vais lâcher un « tiens, je te conseille de lire tel bouquin/article sur le sujet, et on en recause demain hein ? ». Cette innocente phrase cache le deuxième test. Le ou la glandu(e) qui ne m’en reparle pas d’ici un jour ou deux y échouera lamentablement.
Ce ne fut pas le cas de ma stagiaire qui s’est accrochée. Elle aurait pu se dire « mais quel salaud celui-là, il me file un truc impossible » ou je-ne-sais-quel-truc à la noix, mais elle ne l’a pas fait. Certes, je n’attends pas d’un stagiaire de lire et de maîtriser un pavé sur CSS en 2 jours, je ne suis pas un salopard non plus.
Et du coup, étant content de cela – croyez-le ou non, ça me fait vraiment plaisir que quelqu’un s’intéresse à ce que je prends le temps de lui raconter –, je lui ai mitonné un programme d’enfer (j’adore enseigner). Elle voulait avoir une bonne vision d’ensemble du front-end, elle a été gâtée. Qualité web, accessibilité (avec démos et cas concrets), intégration, responsive, animations/transitions/méthodos CSS, JavaScript, jQuery, du Röcssti, de la pratique et de la théorie, on s’est même amusés à bidouiller des trucs que je voulais découvrir à la ligne de commande (Gulp) afin qu’elle voie comment on fait quand on ne connait pas un truc, etc.
Certes, je ne peux pas lui transmettre mes 12 ans d’expérience en quelques semaines, mais je me suis fait plaisir à faire le tour de ce que je connais avec elle. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cela a été intense.
Vous ne remarquez rien ? Il n’y a aucun pré-requis lié au sexe, manifester de la curiosité et de l’intérêt n’est pas l’apanage d’un genre en particulier. Cela me débecte de le dire tellement c’est idiot, mais au boulot, que vous ayez une chatoune ou une zigounette, je m’en fous.
On m’a déjà suggéré de faire une forme de discrimination positive, façon « vu qu’il y a moins de femmes dans la tech., tu pourrais être plus cool ».
Sûrement pas.
À compétence égale entre deux personnes, je n’ai pas d’avis sur la question. Mais dans mon cas, je crains que ce soit le meilleur moyen d’instaurer justement un doute sur les compétences (« oui, elle a eu un super stage parce que c’est une femme »). Là dans notre cas, cette stagiaire a prouvé sa motivation sur le même test pour tous les stagiaires sous mon aile, et cela ne souffre aucune discussion, et aucune remarque sexiste.
Si vous en doutez encore, certains mecs ont réussi et d’autres ont échoué lamentablement. Tous ont eu un stage en rapport avec la curiosité et le respect qu’ils ont manifesté. Hé oui, manque de chance, je connais parfaitement les bouquins que je conseille, idem pour les articles (qui sont parfois des articles que j’ai écrits…). Le dernier qui a voulu me rouler dans la farine n’a pas fait long feu.
Maintenant, vous comprenez que le titre de ce billet n’est pas de la condescendance ou quelque chose de péjoratif, j’ai vraiment eu une gentille stagiaire, avec tout ce que ce mot a de positif. Et des comme ça, j’en veux bien encore.
Quand est-elle justifiée ? Quand ne l'est-elle plus/pas ?
Il me semble à peu près certain qu'on peut affirmer qu'elle ne l'est pas toujours, tout comme impossible d'affirmer qu'elle ne l'est jamais.
Mais quels paramètres doit-on faire entrer en jeu pour ce genre de décisions, comme par exemple le choix d'un·e stagiaire ?
Doit-on "complètement" ignorer le paramètre de genre, et donc n'avoir des proportions que strictement représentatives de l'ensemble des étudiants du secteur en question ? Ou doit-on au contraire filer un "coup de pouce" pour faire évoluer le secteur ? et si on le fait, quand devra-t-on estimer que cette discrimination positive n'est plus nécessaire ?
Je n'attends pas forcement de réponse c'est juste que ce questionnement (qui me semblait à propos) me taraude depuis un moment, et quelques avis ne serait pas de trop.