L’accessibilité décomplexée - Paris Web 2016 - Transcript

Bonjour,

avant toute chose, vous avez le transcript et l’URL des slides à disposition.

Petit message à ceux qui le liront : il peut y avoir de légères différences entre ce que je vais dire et ce que j’ai retranscrit ici, vous m’excuserez d’avance, le léger stress de parler en public, vous savez ce que c’est. :)

Intro

Bien content de vous retrouver ici, à Paris Web. Cela fait environ 6 ans que je viens à Paris Web, et ce qui est cool ici, c’est que tout va de soi côté accessibilité. C’est trop cool ! Ici par exemple, vous avez la LSF. Vous avez très bien fait de choisir cette salle, moi ça m’arrange ! Mais dans la grande salle, vous avez en plus la vélotypie.

Et j’ai remarqué que dans un périmètre de 3m, vous avez une forte probabilité qu’une personne soit capable de répondre à vos questions sur l’accessibilité. Et si d’aventure, ce n’était pas le cas, vous avez une probabilité encore plus forte qu’une personne vous dise : « écoute, je ne sais pas répondre à ta question, mais va voir telle personne, qui sera capable d’y répondre !  ».

Ça c’est super cool, pas pour rien que j’appelle Paris Web ma cure de thalasso automnale.

Là où je travaille, c’est… différent. Si j’ai une question d’accessibilité, je vais voir mon référent en accessibilité. Ce qui consiste peu ou prou à me poser un miroir devant le visage et à me poser la question à moi-même. Hé oui, je n’ai pas d’expert accessibilité sous la main, et celui qui en sait le plus au taf’, c’est moi.

Je ne peux pas dire que mes collègues n’en ont rien à foutre de l’accessibilité (car ce n’est pas le cas), mais ils n’en ont pas la même priorité que moi. Pourquoi je vous parle de cela ? C’est pour vous poser le contexte des réflexions que je vais partager ici avec vous (car elles n’ont pas valeur de vérité absolue).

Autre point. Je ne sais pas si vous avez déjà pris des leçons de conduite, mon moniteur à l’époque m’a montré ce graphique.

Il m’a dit : « ça sera ta progression durant le temps : au début tu vas te voir progresser très vite, tu vas te sentir pousser des ailes, et après, pendant une longue période, tu auras la sensation de stagner. Et vers la fin, tu te sentiras à nouveau progresser  ». Et il avait tout à fait raison, c’était exactement ça. Pourquoi je vous parle de ça ? Je ne sais pas pour vous, mais moi, ce graphique me rappelle furieusement mon travail. Et vous savez ce que j’y vois ? Je vois la progression du niveau d’accessibilité des sites qui sortent de là où je travaille.

Quand vous arrivez dans une boite qui n’a pas une grosse culture de l’accessibilité, vous amenez vos connaissances, votre entrain, et au début ça progresse énormément. Puis arrive une période plus ou moins longue où vous avez l’impression que ça stagne. Vous continuez à apprendre des trucs, mais ça ne se reflète pas forcément dans les réalisations.

Et cette période d’encéphalogramme plat est source d’énormément de frustration pour quelqu’un de passionné par l’accessibilité. Je n’en avais pas conscience, je ne l’avais pas verbalisé avant de préparer cette conférence, mais la question qui me taraudait depuis un moment était là : comment, dans ce contexte donné, sortir de cette période « plate  » côté accessibilité ?

C’est là qu’arrive le titre de cette conf’, l’accessibilité décomplexée. Pour tout vous dire, ce terme n’est même pas de moi, il m’a été suggéré par Nathalie (Rosenberg) quand je cherchais un titre. Ce mot « décomplexée  » est amusant, bien qu’un peu ambigü. Souvent, la première idée quand on parle de se décomplexer, c’est de prendre une pelle ou une pioche de jardin, et d’aller éclater la tronche de ceux qui vous empêchent de faire de l’accessibilité. C’est sûrement très drôle, mais disons-le tout de suite : ce n’est pas du tout ce dont je veux vous parler ici. Bien au contraire.

Les réflexions que je veux partager avec vous me viennent d’une expérience, 3 ans de développement de plugins accessibles, en voici une capture, ça a commencé sur cette page. Il y en aura peut-être une autre si vous êtes sages plus tard…

Vous allez voir, y a des réflexions rigolotes, sérieuses, poil à gratter.

L’auto-critique

Le premier réflexe quand on a un problème, c’est de dire que c’est la faute des autres. Parfois c’est vrai. Parfois ça fait du bien. Vous savez : c’est la faute de cet imbécile de chef de projet, c’est la faute de cette andouille de client, de ce crétin de graphiste, de ce nez-de-boeuf de développeur, de cet abruti d’inté… c’est facile à faire, et peut-être ça vous fera du bien pendant 5 minutes. Vous savez comment on appelle ça ? Du populisme. Tous mes problèmes sont dûs à cause des autres.

Mais vous n’irez pas loin en pensant comme ça. Si vous avez un problème avec le monde entier, le problème vient peut-être aussi de vous.

Et justement : si nous - passionnés/convaincus de l’accessibilité - nous faisions notre propre auto-critique ?

On dit toujours qu’on a les défauts de nos qualités. Nos qualités : nous sommes des gens passionnés de l’accessibilité, nous faisons avancer le sujet, nous y consacrons de l’énergie, bref, nous sommes passionnés.

Et notre principal défaut : c’est justement d’être des passionnés. Quand on est totalement convaincu de l’accessibilité, c’est tellement évident pour nous que bien malgré nous, on présuppose que tout le monde l’est ou est en passe de le devenir. Et cela nous amène à être extrêmement maladroits dans notre communication.

Cela, j’en suis le premier coupable, je m’en suis rendu compte avec un public particulier, mes stagiaires. Vous garderez ça pour vous, mais j’ai un vice, j’adore expérimenter sur mes stagiaires, ça restera entre nous, le livestream et internet.

Un stagiaire, c’est un peu comme un gamin. Je ne sais pas si vous avez la chance d’être parent, mais les gamins, ils vous posent de temps en temps des questions qui tuent tellement elles semblent évidentes. « Papa, pourquoi il faut être gentil ?  » C’est tellement évident que c’est parfois dur d’y répondre simplement.

Hé bien, moi mes stagiaires, en tout cas les deux derniers, ils m’ont posé la question qui tue : « Et pourquoi il faut faire des sites accessibles ?  ». Avec l’avant-dernier, pris d’un accès de grandiloquence, je lui ai sorti un truc du genre : « fais-le pour le Web pour tous, fais-le pour l’Universalité du Web !  ». Ce genre d’argument, qui est fondamentalement vrai, marche du tonnerre avec un convaincu ou en passe de le devenir. Il va se redresser, prendre une posture de super-héros car il va se sentir investi, ça va être une mission !
Sur un non-convaincu, ça va se passer différemment. Là où le précédent se redressait, lui va se comporter exactement à l’opposé. Il va se recroqueviller sur lui-même, vous regarder avec ses grands yeux de bovin triste, et prendre une posture de Mémé diarrhéique coincée sur les WC. Ce n’est pas de sa faute, vous lui avez mis 100 kilos de ciment sur les épaules, et lui a compris que tout le monde viendrait lui taper dessus s’il faisait une connerie. Normal, je viens de lui envoyer une bombe atomique dans la tronche, et il s’est pris une déflagration qu’il ne peut pas encaisser.

Par exemple, avec ma dernière stagiaire, j’ai procédé différemment. Je lui ai dit que c’était la même idée que le responsive, donc un site qui s’adapte à toutes les résolutions. Des gens surfent différemment, certains ont besoin de zoomer, d’autres ont des outils, d’autres utilisent des trucs de dingue comme une synthèse vocale - je te montrerai si tu veux - ou des trucs encore plus dingues comme une plage braille… MAIS, si tu respectes certaines bonnes pratiques, tout ça tu le permettras.

Qu’est-ce que j’ai fait ? Dans le premier cas, j’ai mis 100 kilos de ciment sur ses épaules. Dans le second, j’ai juste présenté de manière neutre, et j’ai juste attisé sa curiosité. Rien de plus.

Là en général, vous embrayez sur la démo qui sensibilise.

Ici, plein de gens ici ont connu ça. On vous fait une démo - en général sur une synthèse vocale - et souvent ça pointe un paquet de trucs qui déconnent. Ça sur un convaincu, ça marche, ça va le prendre aux tripes, le transformer en guerrier, ça sonne comme un défi, et il va falloir le résoudre, car ça touche presque à l’intime !

Sur un non-convaincu, la démo qui sensibilise va agir différemment. Il va s’arrêter à ce qu’il a vu. Du coup, il va retenir que l’accessibilité, c’est le truc qui marche pas. Dans le meilleur des cas, il va avoir comme première idée que l’accessibilité, c’est le truc qui marche pas, et il pourra peut-être changer d’avis après. Dans le pire des cas, il va rester sur cette idée. Vous venez de faire ce qu’on appelle en PNL (Programmation Neuro-Linguistique) un ancrage négatif. Vous avez fait une inception dans son crâne, c’est-à-dire mis l’idée que l’accessibilité c’est le truc qui marche pas. Et un ancrage négatif, c’est comme quand vous êtes gosse et que vous êtes mordu par un chien, vous allez rester sur cette idée et il va falloir beaucoup de temps pour vous en débarrasser. C’est une catastrophe, sûrement pas ce que vous visiez.

Avec ma dernière stagiaire, j’ai procédé différemement. Comme j’avais attisé sa curiosité, elle me tanait pour voir une démo d’une synthèse vocale. Et j’ai bobardé, repoussé, je l’ai faite mariner. Parce que j’attendais d’avoir la bonne occasion. J’ai eu une refonte de formulaire qui m’est tombée dessus. Les formulaires, c’est une peau de banane garantie en accessibilité. Du coup, je refonds mon formulaire et là, je fais la démo.

Sur l’ancienne version - une horreur en accessibilité - là j’ai pu en faire des gigatonnes (ça en général, tout le monde est très fort pour ça). « Case à cocher, oui  ». On me demande quoi, si je suis célibataire, gay, vampire ou con ? « Champ à remplir  ». On me demande quoi, mon nom, la taille des pieds de l’Empereur de Mandchourie ? Bref. Et là, tout de suite vous embrayez sur l’autre démo : « Case à cocher, oui, êtes-vous célibataire ?  », ah, là je comprends. « Champ à remplir, votre nom, obligatoire  ». Là aussi, je comprends.

Qu’est-ce que j’ai fait ? Au pire, je lui ai présenté une idée neutre (je travaille en Suisse, alors je m’y connais en neutralité) : l’accessibilité, si c’est mal fait, ça marche pas, si c’est bien fait, ça marche. Au mieux, elle gardera comme dernière idée : l’accessibilité c’est le truc qui marche. C’est mieux non ?

Surtout que - excusez-moi de la vulgarité -, mais merde, l’accessibilité c’est quelque chose de positif ! TOUT le monde ici a une belle histoire sur l’accessibilité. Moi c’est un jour quelqu’un qui m’a contacté via mon formulaire de contact - qui est même pas terrible point de vue accessibilité - sur mon site perso. On discute un peu, il voulait de l’aide pour un truc. On a eu un gros quiproquo, je comprenais pas sa demande… en fait, parce que je n’avais pas compris qu’il était aveugle. J’ai trouvé beau cette idée, non pas qu’on ait levé des barrières, mais tout simplement qu’il n’y en avait pas. Du coup, c’était cool, je crois que j’ai sous-titré une de ses vidéos et qu’on a écrit un article ensemble, un beau moment. :)

Une petite dernière pour la route ? Faites l’expérience : faites un tweet « Je suis content d’avoir travaillé l’accessibilité sur ce site.  » avec l’URL dudit site. Sur un public majoritaire de non-convaincus (ou mettons anglophone, je sais pas si c’est culturel), vous allez avoir 80% de gens qui vont vous dire que c’est bien, et 20% de gens qui vont vous dire « attention, là ça va pas, tu peux mieux faire là, ça c’est pas terrible  ». Refaites la même chose sur un public de convaincus ou francophone (ou pire, un public de convaincus francophones, je me permets de troller les français parce que je suis moi-même français), vous allez avoir exactement les mêmes proportions, c’est dingue hein !

Mais inversées. 20% de gens qui vont vous encourager, et 80% qui pointer tout ce que vous avez oublié ou mal fait. Qu’on ne se méprenne pas, ces commentaires aident à s’améliorer, c’est important d’en avoir. Mais imaginez que ça soit un gamin ? Vous l’éduqueriez en pointant majoritairement tout ce qu’il fait mal ou ce qu’il n’a pas fait comme il faut ?

Je suis pas convaincu. :)

Une vision égocentrée de l’accessibilité ?

En fait, typiquement à Paris Web, nous avons une vision de l’accessibilité que l’on peut qualifier d’« allocentrée  ». « Allocentrée  » - ça n’a rien à voir avec Nabilla - ça veut dire centrée sur l’autre, c’est un terme que vous voyez par exemple en communication interpersonnelle. C’est l’inverse d’égocentrée, qui veut dire « centrée sur soi  ».

Et c’est presque un tabou en accessibilité. C’est normal, en général, quand on fait de l’accessibilité, on le fait pour les autres. Et si, juste pour s’amuser, on avait une vision égocentrée de l’accessibilité ? Je vais vous aider. Déjà en vous remettant les pieds sur Terre.

Qui pense que l’accessibilité est quelque chose d’important dans les projets, levez la main ! (j’imagine qu’à Paris Web, beaucoup de gens vont lever la main) Perso, je lève la main, je le pense. Qui vit de ses compétences en accessibilité ? C’est-à-dire que vous en avez fait votre métier, ou c’est-à-dire qu’on vient expressément vous chercher pour ça, genre que vous êtes un dev ou un designer tellement bon pour ça qu’on est prêt à vous payer pour ça. Levez la main ! (j’imagine qu’il y en aura moins)

Perso, j’ai levé un doigt. Grosso modo, ça m’arrive dans grand maximum 5% des cas. Du coup, comment valoriser ça ? Si vous ne voyez pas, moi je peux vous en parler, ça fait 3 ans que je développe des choses accessibles pour moi, que je pratique l’accessibilité de manière égo-centrée. Au début, je voulais juste apprendre des trucs en accessibilité, et je pensais que ça serait utilisé sur 2 à 3 sites et que ça m’apprendrait quelques bricoles en JavaScript. En fait, j’étais complètement à côté de la plaque. Déjà, ces plugins ont été beaucoup plus utilisés que ce que je pensais là où je travaille, et ça m’a fait travailler énormément de choses.

Voici un petit tableau absolument non exhaustif des compétences que ça m’a fait travailler. Certaines vont vous faire (sou)rire, d’autres vont peut-être vous paraitre basiques. Y en a certaines où j’étais déjà à l’aise, typiquement CSS, et pourtant ça m’a fait aller plus loin que ce que je connaissais, notamment les transitions et animations. Je parle bien d’un niveau relatif : je ne suis pas devenu une brute en jQuery comme certains d’entre vous peuvent l’être, mais là où je travaille, je suis passé de bricoleur du dimanche à référent, c’est moi qui en sait le plus sur ce sujet maintenant. Et clairement, je ne suis pas devenu un expert dans certaines (faut pas pousser), mais ça m’a fait progresser.

Rien d’extraordinaire dans ce tableau, c’est juste une illustration du fait que l’accessibilité est une compétence transversale : elle touche tous les domaines. Par contre, certaines de ces compétences, je sais mieux les vendre que l’accessibilité, donc ça a un réel intérêt purement égoïste pour moi. Et le plus important, ça continue TOUT le temps. Régulièrement j’apprends plein de trucs. Là j’ai un certain Yvain qui va m’apprendre encore des tonnes de trucs grâce à ces projets.

Toujours pas convaincu que l’accessibilité peut être vue de manière égocentrée ? Allez, un petit jeu, mettons JavaScript et Accessibilité côte à côte, en anglais. Javascript est surnommé Vanilla. Vanilla Accessibility. Accessibility est souvent abrégé en a11y. Vanilla A11y. On mixe les deux ? Cela donne Vanity (van11y). C’est rigolo comme nom à propos de l’accessibilité, non ? Van11y, c’est le nom d’un projet que je viens de lancer, une réécriture de certains des plugins jQuery en ES2015, et compatibles IE9+ une fois transpilés.

Un sujet que je n’aurai jamais abordé sans avoir voulu faire de l’accessibilité.

Une question de méthode

En fait, c’est souvent une question de méthode qui nous empêche de pratiquer l’accessibilité comme nous devrions.

  1. Le point le plus important : décomplexez-vous de ne pas faire parfait. Si vous acceptez cette idée, vous aurez déjà fait la moitié du boulot. La perfection, ça n’existe pas. J’en sais quelque chose, il y a toujours une combinaison VoiceOver/Mac à la con sur laquelle ça va foirer. Vous n’y pouvez rien, acceptez cet état de fait.
  2. Un autre point important que vous connaissez sûrement : arrêtez de pratiquer l’accessibilité en bout de chaine. Et ce n’est peut-être pas ce à quoi vous pensez. Typiquement, je vois encore des intés qui disent « ah, je viens d’intégrer ce site, tiens j’ai tel composants dedans, je vais essayer de le rendre accessible  ». Surtout pas, vous êtes fou !
    Je m’explique - et là je sais de quoi je parle, je suis du métier, votre intégration, elle doit :
    • fonctionner en responsive
    • respecter les maquettes
    • fonctionner sur pleins de moteurs de navigateurs
    • être performante
    • s’améliorer progressivement
    • se dégrader gracieusement
    • etc. etc.

Des contraintes, il y en a des centaines. Et là-dessus, vous voulez encore ajouter l’accessibilité ? C’est une très bonne façon de vous planter et de vous dégoûter.
Premier réflexe, vous vous éloignez le plus possible de votre projet, et vous ne travaillez QUE sur votre composant/problème en accessibilité. En gros, vous faites un prototype, un proof of concept. Un seul truc à retenir : « un proto, c’est pas beau  ».

Si vous savez le faire, tant mieux, mais sinon c’est pas grave. Votre seul but, c’est que ça marche, c’est TOUT !
Les experts accessibilité, ils ont plein de défauts, mais s’il y en a bien un qu’ils n’ont pas, c’est le manque de disponibilité. Vous pouvez toujours en trouver un ou une pour vous aider, et ils seront contents de le faire. En général, je demande juste une validation de l’idée. « Oui, c’est bon, non il faudrait plutôt faire comme ça  ». Comme ça, vous ne perdez pas de temps. Et vous êtes sur les bons rails. Et après seulement vous pourrez mettre du design.

Une fois que l’idée est validée, là vous rentrez dans la seconde phase, que j’appelle « jouer le jeu  ».

Jouer le jeu

1) Arrêtez d’émietter votre connaissance.

Vous l’avez tous fait, moi le premier :

Et vous voyez, je me casse la gueule, ce n’est pas viable. Centralisez votre connaissance, y a des outils très biens pour ça, un dépôt Github ça suffit. Des fois, ça prend 5 minutes, vous avez amélioré un truc, hop, un commit, et toute la connaissance est au même endroit.

2) Ensuite, écrivez la documentation, mais faites-le pour VOUS.

Là encore, pas besoin d’en faire des gigatonnes pour commencer : un bout de code, les options, c’est tout. Un exemple, et c’est fini. Perso, la page des plugins accessibles, je l’ai commencée pour moi, car régulièrement, je me goure en voulant utiliser mes propres plugins. Là au moins, je ne me pose pas de question, l’onglet est épinglé dans mon Firefox, et je n’y pense plus.

3) Présentez vos projets pour VOUS

Encore une fois, on est totalement sorti du cadre strict de l’accessibiité, mais vous ne pourrez pas y couper. Vous aurez besoin de les crédibiliser. Une personne convaincue, elle va utiliser votre projet sans se poser de question. Une personne moins convaincue, typiquement un chef de projet bien intentionné chez un client, va aller voir la page du projet (si elle existe).

On est d’accord, c’est de la pure communication. Mais ça rassure. Au moins, ça clouera le bec si on vient mettre en doute vos choix.

4) Vendez !

Là, typiquement, on ne parle plus d’accessibilité, mais bien d’un produit qu’il faut vendre. Moi, je suis triplement handicapé pour ça, je suis Français (donc pas habitué à me mettre en avant), développeur (donc le code m’intéresse plus que la communication) et je suis passionné d’accessibilité (donc déjà convaincu).

Listez les points forts de votre travail, listez-en les avantages. C’est très simple : pour moi, c’est accessible, ça pourrit pas le code avec des styles inline, c’est léger, y a pas de licence restreignante, etc.

5) Commencez petit, et faites-vous plaisir !

Et surtout, commencez petit et faites-vous plaisir. N’ayez pas honte de commencer simple et d’améliorer au fur et à mesure.

Un segment porteur

Surtout que l’accessibilité est en fait un segment porteur, avec beaucoup de besoins. J’ai entendu une phrase qui m’a choqué, venant d’une super personne, experte en accessibilité : « on a hésité avant de recommander ton plugin d’onglets, car c’était le premier qu’on connaissait qui respectait complètement le design pattern  ». S’il n’y a rien qui vous choque dans cette phrase, moi ça me choque vraiment ! Non pas qu’ils hésitent à le recommander, ça je m’en fous. Mais qu’ils me disent que c’était le premier qu’ils connaissaient à respecter le design pattern, c’est choquant.

Surtout que moi, je viens du front-end, et au front, on a une offre monstrueuse : toutes les semaines, un framework CSS sort, et côté JavaScript, c’est encore plus la folie. Il existe de l’offre côté accessibilité, il y a des choses très biens qui se font, mais on devrait en avoir beaucoup plus !

D’autant plus que l’accessibilité a un avantage : c’est difficilement attaquable. Vous pouvez vous faire attaquer sur pleins de points, mais se faire attaquer sur l’accessibilité, c’est vraiment indéfendable.

Un autre point important d’augmenter l’offre sur ce segment, c’est que ça remettrait chacun à sa place. Je m’explique : que les experts accessibilité nous pondent de belles specs (spécifications), en gros, qu’ils amènent… leur expertise - typiquement, la documentation chez Atalan/AcceDe Web est super -, et nous, développeurs, c’est notre rôle d’implémenter cela et de leur donner du choix. Typiquement, c’est exactement ce que j’ai fait avec Aurélien Lévy sur mon dernier projet : il m’a proposé un proto codé crade en exemple, il m’a filé des notes qu’il a prises, et j’avais plus qu’à faire ce pour quoi je suis bon : assembler et packager tout cela. C’est parfait et chacun fait ce à quoi il est le meilleur. Et je compte bien demander aux experts ici d’autres specs.

Conclusion

En conclusion, décomplexez-vous !

Décomplez-vous de la perfection, la perfection ça n’existe pas, alors laissez tomber.

Décomplez-vous la technique, n’attendez pas d’avoir de la technique pour faire de l’accessibilité. Faites de l’accessibilité, ça vous amènera la technique, ça suivra. Si ça a marché pour moi, je vois pas pourquoi ça ne marcherait pas pour vous.

Décomplexez-vous de l’engagement. Quand on vous propose de vous engager pour l’accessibilité, ce n’est pas à vie ! Contribuez comme vous en avez envie. Souvent, j’entends « je n’ai pas les compétences  ». Mais l’accessibilité a besoin de plein d’autres compétences. Le projet Van11y, sans le design fait par Enza Chaffron, ça n’existerait pas. L’autre jour, Thomas Zilliox a utilisé un de mes plugins et a fait une animation CSS dessus, je n’y avais pas pensé. Il a fait ce pour quoi il est bon, de la CSS, et pourtant, ça sert l’accessibilité in fine.

Décomplexez-vous de demander l’autorisation. Si vous pouvez commencer quelque chose, faites-le. Ne demandez pas l’autorisation, surtout à des personnes qui n’y comprennent rien. Si j’avais attendu qu’on me dise ok pour mes plugins, je ne les aurais jamais fait.

Décomplexez-vous enfin d’investir du temps. Ce n’est pas du temps perdu, c’est du temps investi. Cela prend du temps, mais j’ai la conviction que l’accessibilité est un combat qui se gagnera sur le long terme, pas à courte échéance. Sur mes modestes plugins, j’ai environ 1000 commits au total. Je ne vois pas 1000 commits. Je vois que y a 1000 points qui ne seront plus à faire, et j’en suis bien content, même si j’ai plus de chemin à parcourir que de chemin parcouru.

Pour finir, je vous le redis : souvent vous vous demandez ce que vous pouvez faire pour l’Accessibilité… je vous repose l’autre question, et je vous invite à y réfléchir hors de toute passion : qu’est-ce que l’Accessibilité peut faire… pour vous ?

Je vous remercie pour votre attention. ;)